Newsletter Juillet 2021 - Article 1
Le feuilleton d'un été torride ?
Depuis les années 1990, l’industrie pharmaceutique a adopté une approche « fondée sur les preuves », également connue en anglais sous le terme d’evidence based medicine. La célèbre étude 4S qui démontrait les bénéfices de la simvastatine sur la survie des patients avait ouvert une nouvelle ère dans les discussions entre laboratoires, agences réglementaires et payeurs.
Cet été 2021 a vu un événement qui est passé relativement inaperçu dans nos contrées, mais qui pourrait chambouler cet ordre bien établi. Un laboratoire américain a soumis à l’approbation de la FDA une molécule innovante pour la maladie d’Alzheimer. L’échec des précédentes générations de molécules a créé un vide et une attente importante, voire désespérée de la part des patients et surtout de leurs familles.
Cette molécule, pour innovante qu’elle soit, agit sur la plaque amyloïde, un agrégat de protéïnes beta-amyloïdes qui entourent les neurones et qui sont une des causes probables de la maladie dégénérative. Mais peut-être pas la seule et c’est là que le bât blesse… A ce stade et compte-tenu de la progression lente de la maladie, les données cliniques sont limitées.
Devant la détresse des familles et le faible nombre d’opportunités thérapeutiques à venir, la FDA a pris le risque d’approuver cette molécule, après des débats complexes et à l’évidence non unanimes. Surtout, la décision a été prise sur la base d’éléments non cliniques, difficiles à interpréter et en contradiction avec l’attitude de l’agence ces 30 dernières années. Elle a d’ailleurs semé la confusion au sein de la FDA elle-même.
Au moins, compte-tenu de la fragilité des preuves, l’agence espérait sans doute une certaine mesure dans la fixation du prix de la part de la firme. Mais avec un prix de 56 000 dollars (47 000 euros) par année de traitement, nous atteignons de nouveaux sommets, au-delà des prévisions de tous les analystes. Certes, le prix facial aux Etats-Unis n’est pas le prix réel dans la mesure où de nombreux intermédiaires vont négocier des ristournes importantes, mais le ton est donné.
Quelle va être l’attitude des prescripteurs et des payeurs ? Comment vont réagir les familles à de probables restrictions d’indication ? L’histoire avait bien commencé avec un laboratoire innovant, prêt à prendre des risques, une agence qui s’est ouverte à l’innovation. Mais pour l’instant, le sentiment qui domine est que tout cela pourrait mener à un immense gâchis, au dépens de futures molécules et d’autres patients. La fin de l’histoire n’est pas encore écrite, mais le feuilleton de l’été va être passionnant.
Article rédigé par un professionnel de la pharmacie.